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Les Simulateurs du Concorde

Le Concorde, avion de tous les records, avion différent, avion de rêve… Mais que serait cet avion sans pilotes pour le faire voler ? Comment former ces pilotes pour cet avion si différent ? C’est pour répondre à ces questions que fût lancé le plus grand projet de simulation : le simulateur Concorde. Que ce soit le simulateur d’étude ou bien le simulateur d’entrainement, il était le premier vrai grand projet de la simulation de vol. En effet, rien auparavant n’avait demandé autant de savoir faire, de recherches et de technologie pour mettre en place un simulateur. Ce dernier devait répondre à toutes les questions de comportements en vol, au décollage et à l’atterrissage.
De plus, le ressenti devait être irréprochable et réaliste.
On peut donc considérer que c’est avec le simulateur Concorde, en 1975 que fut construit le premier simulateur de vol dit « moderne ».

Le simulateur d’étude du Concorde

Au début des années 1960, alors que les ingénieurs sont en train de développer l’avion Concorde lui-même, l’intérêt d’une cellule de simulateur consacrée essentiellement à l’étude des performances et des qualités de vol du Concorde est apparu.

C’est ainsi que la construction d’un simulateur devient essentielle. En effet, le prix d’une heure de vol d’essai étant élevé, il était très intéressant financièrement et moins risqué pour les pilotes de développer une telle plateforme. S’engage alors une compétition entre les compagnies LMT (Le Matériel Téléphonique) et SEA (Société d’Electronique et d’Automatisme) pour la création d’un simulateur d’études du Concorde.

Implantation au Labo de Sud-Aviation

LMT remporte le marché avec l’emploi d’un calculateur numérique spécialement développé pour la simulation et commence en 1967 la construction (en partenariat avec Redifon anglais) d’un simulateur avec un mouvement cabine comportant d’énormes innovations visuelles, numériques. Cette machine est calquée sur le fonctionnement et les caractéristiques du prototype du Concorde, elle installée à Toulouse-Blagnac, dans les locaux de l’Aérospatiale. C’est le premier gros simulateur numérique d’études mis au point au monde. Il fut opérationnel en 1 an.

Salle de calcul simulateur d’étude

Le principal outil en matière de simulation fut le simulateur d’études situé à Blagnac, au laboratoire du bureau d’étude. Il fut construit par LMT et mis en place au début de 1966. Celui-ci possédait une cabine mobile fixé sur des vérins hydrauliques, contenant le cockpit avec instrumentation simplifiée au début mais suffisante pour les essais.

Simulateur d’étude

Le système de vérins autorisait un mouvement à trois degrés de liberté limités en débattement (tangage-roulis-élévation). Un système de visualisation placé devant la cabine consistait en un écran plat sur lequel était projetée l’image en couleur.

Le poste de pilotage reproduisait exactement celui du prototype puis plus tard celui de l’avion de série.

Panneaux de commandes du simulateur. Labo de Sud-Aviation

L’innovation de ce simulateur était le fait de pouvoir connecter des équipements réels tels que le pilotage automatique, les auto stabilisateurs ou encore le trim électrique de profondeur et bien d’autre éléments. Cette possibilité fut un atout majeur pour améliorer les réglages avec plus de certitude et leur certification.

Ce n’est que fin 1970 que le simulateur fut rendu conforme à celle de l’avion de série.

Composition du simulateur d’étude

Ce simulateur d’étude est constitué :

  • D’une cabine à l’échelle 1/1 réalisée avec les mêmes instruments que ceux que comporte l’appareil. Cette cabine est montée sur des vérins qui lui permettent les possibilités dynamiques suivantes : ±30 cm en hauteur, +15-10° sur l’axe de tangage et ±12° sur l’axe de roulis. Le même matériel est utilisé sur l’avion et sur le simulateur. Celui-ci peut être couplée avec le banc général des commandes de vol (c’est-à-dire les câbles, les commandes hydrauliques et les tuyaux).
  • Un calculateur numérique digital de type DDP 224 (produit par Computer Control Company) qui effectue les calculs concernant la dynamique du vol, la dynamique du roulement, la propulsion moteur, les aides radio, les systèmes hydrauliques et électriques et le système de conditionnement de l’air.
  • Un calculateur analogique, l’analyseur RED 5000 (produit par Redifon Ltd), servait à effectuer les calculs pour les commandes de vol simulées. Pour changer les paramètres, il fallait refaire de nouveaux circuits.
  • Des enregistreurs de trajectoires et d’attitude.
  • Un poste moniteur fait la liaison avec la cabine, et qui contrôle les conditions de vol et les systèmes de l’avion, pouvant aussi introduire des pannes.
  • Un système de visualisation constitué d’une caméra pouvant se déplacer sur trois axes et d’un décor (une reconstitution d’un aéroport et de ses alentours) situés dans une pièce adjacente à celle où se trouve le simulateur. Un système de projection restitue cette image sur un écran situé devant la cabine.
Maquette pour la visualisation du simulateur Concorde
  • Grace à ces éléments, un système de pilotage a été développé permettant de :
    • Suivre dans des conditions et avec une tolérance donnée, les trajectoires.
    • De maîtriser les perturbations consécutives à des pannes.

Etudes effectués puis utilisation du simulateur d’études

Les études suivantes ont ainsi put être mis à bien :
– Etude du déplacement avion. Notamment quand celui-ci se trouve dans des zones de perturbations, turbulences, qu’il rencontre du vent ou une panne du système avion…
– Etude des braquages de gouverne pour l’équilibre et les manœuvres afin de vérifier leur comportement en débattement, torsion et leur temps de réponse…
– Etude en vol des caractéristiques avions, des dispositifs de stabilisation, des indicateurs afin d’améliorer les aides au pilotage.
– Etude des effets consécutifs à des pannes de ces systèmes. Les premiers pilotes d’essais du Concorde ont participé aux études sur ce simulateur avant de passer au vol réel. Puis ce simulateur a été qualifié pour participer à la certification de l’avion, certification qui le rendait apte au vol commercial. Ainsi les premiers pilotes commerciaux ont appris à piloter l’avion sur ce simulateur formés par les pilotes d’essais. Par la suite, la formation des équipages se déroula sur le simulateur de formation, dès que ce dernier fut opérationnel.
Le simulateur d’études a été perpétuellement en évolution entre 1967 et le début des années 1970. D’abord adapté aux standards du prototype, il a évolué pour le standard de la version de présérie en 1969, puis à la version de série en 1970. Rapidement, l’utilisation du simulateur d’études a diminué, au profit du simulateur d’entrainement. Il est resté en service quelques temps après la mise en service du Concorde au sein des compagnies commerciales, pour étudier les quelques problèmes rencontrés par celles-ci puis le simulateur d’étude fut retiré du service pour être détruit.

Le simulateur de formation

La conception de ce simulateur a été pensée 2 ans avant sa réalisation. Il fut réalisé pour l’entrainement de l’équipage et la familiarisation à l’appareil sur lequel il devait travailler. Ce simulateur d’entrainement a été installé en 1975 à Toulouse avec d’authentiques pièces du Concorde.

Simulateur de formation chez Aéroformation
Arrivée du simulateur d’entrainement en 1975

Il est utilisé chez Aéroformation jusqu’en 1994, puis est envoyé à Paris dans les locaux d’Air France ou il est utilisé jusqu’en 2003 (fin des vols Concorde).

Stockage

Il revient ensuite à Toulouse, ou il reste stocké dans un recoin de l’usine en attendant des jours meilleurs. Le projet a ensuite rencontré beaucoup d’obstacles techniques, financiers qui l’ont ralenti pendant de nombreuses années.

Description et caractéristiques

Le simulateur est facile d’accès. Il est nécessaire d’évoluer sur une plateforme, pour aboutir sur un pont escamotable qui donne immédiatement à la cabine. Les grands vérins hydrauliques qui ont donné au simulateur son mouvement supportaient la structure contenant le poste de pilotage et les écrans de projection à environ 4,6 mètres dans les airs pour un poids d’environ 10 tonnes. L’intérieur du poste de pilotage nous donne l’illusion d’être réellement aux commandes du Concorde.

L’instrumentation, l’éclairage et la fonctionnalité des systèmes sont les mêmes que sur le Concorde. Au début des années 70 on a formé les premiers pilotes Concorde. Pour être apte à piloter un Concorde il est nécessaire d’avoir au moins 76 h d’entrainement sur simulateur soit 19 sessions de 4h, ces entraînements sont répartis sur 6 à 12 mois. L’utilisation du simulateur Concorde nécessite l’emploi de multiples technologies ainsi qu’une infrastructure particulière.

Voici les principaux composants de ce simulateur.

  • Le châssis : La cabine du simulateur repose entièrement dessus. Celui-ci se décompose en deux parties :
    • Un châssis gris qui supporte les efforts des vérins.
    • Un châssis blanc qui sert d’adaptateur entre le châssis gris et la cabine du simulateur.
  • La cabine : celle-ci comprend trois postes :
    • Un poste de pilotage, qui reprend une majorité des fonctions disponibles à bord de l’avion.
    • Un poste OMN, similaire à celui utilisé dans le réel Concorde il exécute les mêmes fonctions.
    • Un poste instructeur, pour superviser la procédure de la simulation en cours.Un poste OMN, similaire à celui utilisé dans le réel Concorde il exécute les mêmes fonctions.
Cabine cockpit simulateur de formation
Poste instructeur simulateur de formation
  • L’alimentation : Ce simulateur est alimenté par un réseau triphasé à 380 V et un biphasé à 400 Hz. Une partie de l’alimentation 380 V est transformée en 220 V triphasé par l’intermédiaire d’un autotransformateur.
Alimentation
  • La ventilation : Une centrale externe au bâtiment, était nécessaire pour refroidir les instruments. Cet air, à une température comprise entre 12°C et 16°C, parvenait au poste de pilotage par l’intermédiaire d’un tuyau souple de diamètre 400 mm, à un débit de 1900 à 2000 m3/h soit une vitesse de 3 à 4 m/s. Des ventilateurs situés au plafond du simulateur servaient à l’extraction de celui-ci.
  • La salle calcul

Comparatif avec le simulateur d’étude

Ce simulateur est différent du simulateur d’étude car il a beaucoup plus de fonctions pour les mécaniciens et de spécificités pour former les futurs pilotes du Concorde. En effet, sur celui-ci on peut faire plusieurs types de réglages notamment les températures intérieure et extérieure, ainsi que la quantité de carburant… . Les ordinateurs du simulateur qui ont été utilisés par des techniciens pour programmer le système de carburant artificiel par rapport au nombre de passagers, aux variations météorologiques, permettaient de déterminer s’il faisait jour ou nuit, mais aussi de simuler de nombreuses pannes matérielles. On peut également simuler le contrôle du trafic aérien. Il est cependant moins fait pour l’étude, donc offrant beaucoup moins de programmation possible concernant les conditions de vol. Il est plus précis pour les systèmes de l’avion, il a également des possibilités de déplacements dynamiques supérieures au simulateur d’étude.

Origines du projet de restauration

On doit le projet à une simple discussion entre amis. Trois passionnés de Flight Simulator eurent l’idée de voir les choses en plus grand. En effet l’un des protagonistes se rappela de la présence de deux simulateurs désaffectés d’Airbus A300 et Concorde. Aussitôt dit aussitôt fait, une fois les renseignements nécessaires obtenus, et s’être occupé des démarches administratives, le simulateur leur était confié. L’association Virtu’ailes est officiellement créée en 2006.

Les Objectifs

Le projet a de nombreux objectifs :

Tout d’abord, le programme commence par la remise en état de marche de toute la partie commande. Pour cela, l’association doit mettre en place de nouvelles cartes d’interfaces électroniques afin d’adapter les manettes et autres instruments au nouveau système.

Afin de simuler l’environnement extérieur à l’appareil, des vidéos projecteurs diffuseront en temps réel le parcours virtuel suivi par l’appareil afin de rendre la simulation plus réaliste.

Le modèle de simulation sera renouvelé et adapté afin de permettre de l’interfacer sur des calculateurs plus modernes. Une fois la rénovation terminée, le simulateur sur pied, la finalité du projet sera d’obtenir la validation de ce travail par d’anciens professionnels, commandants de bords et mécaniciens Concorde.

Les étapes et les problèmes rencontrés

Les incidents ou anecdotes:

En août 2006, Airbus connaît des problèmes liés au retard de l’A380 ce qui crée des difficultés budgétaires. Les fonds consacrés au projet furent gelés. Il s’ensuit une longue période d’attente qui permet alors à l’association d’approfondir les documents techniques (plans et manuels techniques, près de 500 Kg). Cette attente cause de nombreux retards par rapport au planning préalablement établi.

Le deuxième incident est la disparition du machmètre copilote. En effet, lors du retour de congé, les membres de l’association se rendirent compte que cette partie du simulateur manquait. L’un d’eux fait alors une recherche, sur eBay, le soir même et trouve un machmètre à vendre aux enchères. Beaucoup de point commun (impact et usure) sont à noter entre l’appareil manquant et celui d’ eBay.

Apres avoir porté plainte, l’enquête passe aux oubliettes mais est réactivé lorsque l’appareil réapparaît sur le site. Des photos supplémentaires sont demandées afin de comparer les numéros de série. Le machmètre est bel et bien celui de l’association. S’en suit des échanges de mails (supervisés par la police) avec le vendeur afin d’obtenir un rendez vous. L’appareil sera restitué au programme suite à l’arrestation du malfaiteur.

Troisième incident, le vol de deux palettes de torons (cables électriques) ainsi que leurs connecteurs, stockées dans un bâtiment pourtant sécurisé, dont le préjudice est estimé entre 70 et 90k€ sans compter la main d’œuvre pour tout refaire. Ici rien n’a été retrouvé.

torons

Quatrième point, les ordinateurs d’origine ne pouvant être réparés car trop anciens (calculateurs Xerox), l’essentiel des informations transiteront au final, par un ou plusieurs PC standards. L’architecture informatique doit être complètement repensée, d’où le projet de démonstrateur entreprit en 2016 par l’association pour la valider.

La restauration:

A partir de 2015 la remise en route opérationnelle en « Fixed Base Simulator » est  l’objectif de l’association. Le mouvement cabine fourni par des vérins hydrauliques est abandonné du fait de son coup d’entretien trop élevé.

Il est envisagé de le faire entrer au musée Aéronautique de Toulouse c’est à dire de transformer cet outil industriel en en un équipement grand public & PMR.

Il est installé dans un local à Cornebarrieu pour la reprise de la restauration, après un long temps d’arrêt.

Local de Cornebarrieu

Les travaux dureront 3 ans pour ces modifications.

Sur l’électronique ou nous travaillons en parallèle, nous rencontrons de nombreux problèmes concernant le passage d’une technologie des années 1960-1970 à une technologie des années 2000. Les armoires de calcul qui ont été précédemment utilisées pour faire tourner le simulateur du Concorde, ont été remplacées par des ordinateurs plus puissants et plus petits. Cette nouvelle architecture nous a permis de passer de 7 baies d’électronique à 3. Un démonstrateur est développé pour valider cette nouvelle architecture.

Démonstrateur à base d’instruments Corvette

Aussi, nous réussissons à émuler sur des PC du commerce, les logiciels certifiés de 1972 qui fonctionnaient sur les anciens calculateurs XEROX. Le logiciel contenant la simulation d’origine est donc conservé. Ce sera notre solution pour redonner vie à ce simulateur. Le comportement du simulateur est alors garanti. Un logiciel de simulateur de vol du commerce sera couplé uniquement pour le rendu de la visualisation.

Préparation entre 2015 et 2018

Les travaux de structure et de mécanique se poursuivent ainsi que des travaux sur la muséographie, qui permettront son entrée chez Aéroscopia en 2018.

Installation à Aéroscopia
Chez Aéroscopia en 2018

Exposé ici en statique. Les travaux de recâblage peuvent commencer, le simulateur étant à sa place définitive.

La première avancée: réhabilitation du fonctionnement nez visière effectué en 2022. Nouveaux moteurs et fonctionnement sont testés avec l’émulateur.

Système nez visière

Racks et fonds de paniers se mettent en place. Les câblages fonds de panier sont en cours.

Baie G

Remise en route des commandes de vol de profondeur avec retour d’effort. Un nouveau vérin électrique est fabriqué en coopération avec l’IUT Génie Mécanique de Toulouse.

Vérin de profondeur avec retour d’effort

La dernière version de Flight Simulator de Microsoft qui apparait en 2020 permet, grâce à un couplage à la boucle de simulation d’origine, un rendu exceptionnel de réalisme.

Mais il reste encore beaucoup à faire, de nombreuses cartes d’interfaces manquent encore, et il nous reste à les développer.

En résumé….l’avenir

Le simulateur du Concorde a donc été à la fois le précurseur de la simulation moderne et un objet très utile à l’entrainement des pilotes. En effet, très au point et très performant, il a permis la formation de nombreux pilotes et l’amélioration du Concorde lui-même.

C’est l’association Virtu’ailes qui cherche à donner une seconde vie à ce simulateur visible aujourd’hui au musée Aéroscopia de Toulouse. Elle monte des partenariats ou des conventions avec des écoles telles que l’IUT, l’INP-ENSEEIHT, les lycée professionnels, des entreprises comme AIRBUS,  HANDICAP France, COMA…. et appelle toujours mécènes et nouvelles personnes intéressées et passionnées à partager ce beau projet.

Sur les derniers travaux, après l’échange du capteur d’effort défectueux, nous avons finalisé le fonctionnement du retour d’effort avec le calculateur analogique d’origine et un vérin électrique.

Aujourd’hui, même si il reste des choses à faire, on peut dire que la solution du vérin électrique est viable et que l’horizon se dégage pour la suite de la remise en route du simulateur.

L’association compte aujourd’hui une vingtaine de bénévoles, qui travaillent aussi en parallèle sur de nouveaux simulateurs comme celui de la Corvette SN601, de l’A350, et de l’A320. Le travail ne manque pas, nous vous attendons.

Le simulateur aujourd’hui à Aéroscopia